Arizona

Arizona Stars


Une horde de danseuses flamboyantes ouvrit le bal. Faussement dénudées, les sculpturales silhouettes parées de plumes vaporeuses, de paillettes et de strass embrasèrent la scène en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Dès les tout premiers instants, la somptuosité chromatique de ces habits de lumière captiva tous les regards. Et l’assistance de s’extasier devant ce tableau évoquant un mirage onirique dans un éden lointain. De divines créatures hybrides proches des sirènes grecques de l’Antiquité (2)  s’y mouvaient avec grâce, rossignolant une mélodie nommée Féerie, comme pour mieux subjuguer les esprits. S’enchaînèrent d’autres tableaux, tous plus époustouflants les uns que les autres, où chanteuses, meneuses de revue, danseuses froufrouteuses aux jupons tricolores, clowns, prestidigitateurs. Le panel des artistes donnait littéralement le tournis. Soudain, un aquarium géant jaillit des entrailles de la scène. Dans l’eau cristalline ondulaient quatre énormes pythons. Des tonalités de sable et d’ébène marbraient leur peau écailleuse et luisante. Une naïade en costume de bain étincelant s’immergea dans l’eau où glissaient les serpents constrictors, répandant l’effroi chez de nombreux spectateurs qui, médusés, retinrent leur souffle. S’ensuivit un ballet aquatique aux accents de péché originel, esthétiquement sensuel, hypnotique. Les pythons au corps musculeux s’enroulaient autour des jambes de la nageuse, ceignant sa taille, frôlant son nombril, jusqu’à ce que leur tête atteigne la zone de l’entre-seins. Ces figures érotiques se dessinaient dans l’eau pour mieux subvertir à plaisir, créant l’illusion d’un nouvel être hybride, délicieusement voluptueux. Dans ce jardin d’éden subaquatique, minimaliste et revisité, la tentation d’Ève se réinventait grâce à une prodigalité artistique empreinte d’une touche de génie.

D’un bout à l’autre du show, l’assistance fut tenue en haleine grâce à l’enchaînement des tableaux, tout aussi bien huilé que les chorégraphies. La salle exulta dès les premières notes du french cancan. Devant un parterre venu des quatre coins de la planète, des brochettes de sublimes gambettes parées de bas résille frétillaient, et se donnaient allègrement en spectacle.
Si depuis la fin du 19ème siècle, la légendaire ville lumière brillait de mille feux sur les cinq continents, le Moulin Rouge, son french cancan, la Tour Eiffel et le répertoire d’Edith Piaf y étaient pour beaucoup. À la fin de la revue, avant même que l’éventail complet des artistes ne rejoigne la troupe du french cancan, le public en liesse scanda une cascade de bis retentissants. Bien que haletantes, les danseuses arboraient un sourire impérissable et conquérant. Ne faisant ni une ni deux, elles bondirent sur leurs bottillons tricolores, comme mues par un ressort, délaissant tout de go un grand écart dédié au bouquet final, aussitôt jugé prématuré. Ovationnées par des spectateurs survoltés, les girls du temple de la fête s’en donnèrent une nouvelle fois à cœur joie, jusqu’à échauffer les paumes de toute l’assemblée.

2 - Dans la mythologie grecque, les sirènes sont des créatures fabuleuses marines à tête et poitrine de femme, avec un corps d’oiseau.

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